La télévision au 12e siècle
Sainte Hildegarde n'a jamais eu d'extases ou d'autres états extraordinaires de ce genre. Elle raconte qu'elle avait jour et nuit devant les yeux, dans un état pleinement éveillé, comme une sorte d'appareil céleste de télévision, d'où elle emprunte les images et les textes de tous ses écrits, sans jamais tomber en extase ou en état de demi-sommeil. Elle décrit le phénomène : "…Quelque chose comme un nuage lumineux, dans lequel je vois des images et j'entends des mots...".
Hildegarde écrit
Le programme de son grand livre Scivias, le livre des subtilités des créatures divines, couvre 10 années (1141-1151). La deuxième période des révélations dure sept ans (1151-1158). Durant ce temps, Hildegarde compose son livre de médecine (2 volumes), un recueil de lettres, un livre de commentaires de l'Evangile et un livre de chants. Puis, pendant cinq années (1158-1163), elle rédige le livre Vita meritorum, sorte de traité de psychothérapie. L'ouvrage de sa vieillesse : "L'homme, œuvre de Dieu", lui fut montré dans son "programme de télévision" durant les années 1163-1171. Une autobiographie, probablement le seul livre personnel d'Hildegarde, donc non tiré du "nuage lumineux sonore", n'est malheureusement conservé qu'en fragments; il fut peut-être écrit en 1179, année où elle mourut.
Hildegarde écrit pour notre temps
Hildegarde nota avec une précision presque mathématique au début de chacun de ses livres comme si elle avait su que les historiens de notre temps voudraient tout savoir avec exactitude - il ressort déjà, avec une certitude évidente, qu'elle avait à sa disposition un temps très limité pour son livre de médecine en deux volumes. La composition ou la dictée remplissaient tout son temps. Elle avait alors environ cinquante-cinq ans. Jamais auparavant, ni dans la suite, elle ne s'est occupée de médecine dans son activité d'écrivain. Sans doute y a-t-il aussi, dans son œuvre de vieillesse, L'homme, œuvre de Dieu, une description minutieuse de tous les processus métaboliques à l'intérieur de l'homme, mais c'est seulement pour fournir une analogie avec l'âme, pour expliquer et faire comprendre cette chose prodigieuse que nous appelons âme.
Hildegarde écrit sans étude de médecine
Non seulement notre sainte n'a jamais écrit autre chose ayant trait à la médecine, de sorte que son livre apparaît tout à coup comme un bloc erratique, mais encore, elle n'a jamais pratiqué elle-même la médecine! Preuve en est le silence total et absolu de toutes les sources sur une telle activité d'Hildegarde. Si elle avait fait des études ou des recherches dans le domaine de l'histoire naturelle ou pratiqué la médecine, nous en trouverions un indice quelque part. Or, ni dans les ouvrages d'Hildegarde, ni chez n'importe lequel de ses contemporains, ni dans toute la tradition des siècles suivants, il n'est dit qu'elle s'est occupée de médecine. Elle a guéri, selon la tradition, uniquement par une puissance miraculeuse, jamais par des médicaments. Et, dans un autre passage de ses livres, elle atteste : "Jamais je ne me suis astreinte à des études enseignées par un professeur de ce monde... " D'ailleurs, les érudits du monde monastique de son temps ne se sentaient pas encore portés vers une recherche concernant les sciences de la nature. On peut affirmer que cette recherche ne débuta que cent ans plus tard, avec Albert le Grand (+1280) et Roger Bacon (+1294), mais de recherche médicinale à proprement parler, il n'y en a pas trace à l'époque d'Hildegarde.
Corps, âme et esprit
Elle nous donne cette vision de l'homme total (corps âme et esprit), en nous conduisant aux sources de la santé. Elle nous enseigne que nous ne pouvons vivre en pleine santé sans retrouver notre unité intérieure. Cette vision de la santé nous conduit donc à considérer l'être humain sous trois aspects : physique, psychique et spirituel. On trouve rarement une doctrine qui tienne compte des trois plans... Le fondement de la médecine de notre sainte est d'aller toucher des plans habituellement inaccessibles, tel celui qui conditionne notre tristesse et notre joie. La santé n'est pas seulement, pour Hildegarde, une absence de maladie, mais une surabondance de vie, une fontaine de Jouvence, l'aptitude au bonheur. Elle met un accent particulier sur notre relation entre la dimension spirituelle de l'homme et sa santé. S'il viole les commandements divins, il risque davantage la maladie ; s'il les respecte, il vit normalement dans l'harmonie et la paix des justes : c'est l'aspect psycho-spirituel. Mais le corps a également son mot à dire : s'il est encombré de pollutions et d'impuretés diverses, il devient opaque et perturbe toute la sphère psychologique, affective ou spirituelle. Cette influence est nette pour la mélancolie qui naît de la bile noire et induit la colère, la négativité, la violence et autres comportements.
La bile devint noire
A ce propos, sainte Hildegarde nous raconte qu'avant le péché originel, nos premiers parents bénéficiaient d'une santé à toute épreuve, puisqu'ils ne connaissaient ni la maladie ni la mort. Cependant, sous la suggestion du Malin, ils entrèrent dans la dualité du bien et du mal. Cette coupure avec l'unité originelle, avec l'intimité divine, les conduisit à l'exil et ils connurent la souffrance et la mort. Que s'est-il donc passé sur le plan physiologique? La bile, qui était auparavant comme un cristal étincelant, vira et devint noire, entraînant des désordres organiques si profonds que la maladie apparut ainsi que la mort, à cause de cette viciation des humeurs. Sainte Hildegarde a compris en vision que la physiologie de tout le cosmos fut aussi ébranlée: des bêtes venimeuses apparurent, dont les sécrétions délicieuses comme du nectar, devinrent des poisons violents, la discorde se répandit dans tous les règnes qui se mirent à s'entre-dévorer... Bref, ce fut un cataclysme d'une portée incalculable dont nous héritons à notre naissance des conséquences les plus fâcheuses. Avec l'incarnation du Verbe de Dieu et le sacrifice Rédempteur, la voie vers l'union divine est à nouveau ouverte et Hildegarde nous révèle ce que le Ciel nous propose pour éliminer ces miasmes congénitaux et recouvrer, sinon l'Eden originel, du moins la santé, au niveau physique, psychique et spirituel. En tenant compte de ces trois plans, dans leur relation avec notre Créateur, nous reprenons notre place dans la Création : réunifiée à la source, entre ciel et terre, notre santé peut alors s'épanouir comme une fleur au soleil et rayonner son trésor le plus précieux: la joie.
Excellente secrétaire d'en haut
Son œuvre scientifique, disions-nous, a été divisée en deux volumes: le premier "causae et curae", traite des causes et des traitements des maladies; le second, inbtulé "Physica", se préoccupe de l'être intérieur des différentes natures de la création. Neuf livres sont consacrés respectivement aux plantes, aux éléments, aux arbres, aux pierres, aux poissons, aux oiseaux, aux animaux, aux reptiles, enfin à l'origine des métaux. La plus grande partie de son œuvre concerne cependant un tryptique grandiose et visionnaire inspiré; le premier se nomme "Scivias" (Connais les voies du Seigneur), et comporte trois parties : le Créateur et sa création, le Messie et l'Eglise, l'histoire du salut. Le second, "Liber vitae meritorum" (Le Livre des mérites), décrit au cours de six visions successives l'affrontement des vertus et des vices sous le regard de Dieu lui-même. Le troisième ouvrage, le "Livre des œuvres divines" (l'opération de Dieu), est une véritable théologie du cosmos. Tous ces textes sont conservés, avant les éditions modernes, dans de magnifiques manuscrits enluminés, dispersés dans toute l'Europe. Notre sainte n'écrivit, en effet, rien d'elle-même qui ne lui fût dicté "d'en haut"; excellente et obéissante secrétaire, elle nous a transmis fidèlement ce que le ciel lui révélait. En premier lieu, elle nous enseigne que l'on ne peut comprendre l'être humain dans toute sa dimension sans le situer avec justesse dans ses sources, dans la perspective de la Création, de la chute, de l'incarnation et de la Rédemption. Créés à l'image et ressemblance du Créateur lui-même, nous avons un rôle tout à fait privilégié et essentiel à notre état.
Avoir une conscience claire
En l'absence de vie intérieure avec Dieu, la vie spirituelle de l'homme s'étiole, les réalités divines sont obscurcies, au point qu'il en arrive à perdre un sens aussi naturel que la foi en un Créateur. Sa conscience devient si enténébrée qu'un voile opaque l'empêche de voir ou du moins de pressentir les profondeurs de l'être où jaillit la source d'eau vive, les courants limpides de la vie divine. En Occident, la prédominance des doctrines matérialistes contribue à le couper de ses racines et l'entraîne sur la pente du doute, dans une vue superficielle des choses, sous l'emprise de passions incontrôlées. Notre manière de concevoir la vie, notre sens des valeurs, l'orientation de nos désirs et une alimentation adaptée sont déterminants. On a trop souvent négligé cette interdépendance essentielle entre l'esprit et le corps, ce qui a contribué à démanteler l'intégrité de la personne humaine dans sa structure trinitaire, privilégiant tel aspect plutôt que tel autre : l'homme spirituel a souvent répugné à s'occuper de son corps, perçu comme un obstacle à la vie de la grâce ; siège des désirs de la chair, il devait être mortifié parfois cruellement pour se soumettre aux exigences de l'esprit. A l'opposé, nous laissons aujourd'hui une telle licence aux exigences du corps que nous devenons ses esclaves, subissant passivement les assauts de ses volontés, ce qui produit un déséquilibre non moins grave, ruinant toute possibilité d'avancement spirituel. Comme en toutes choses, la vérité fuit les extrêmes et se trouve au centre, dans la voie de l'équilibre, si chère à Hildegarde. Pour elle, il est vital de s'occuper harmonieusement de tous ses aspects: non seulement le corps doit être nourri correctement, mais l'âme doit aussi recevoir la nourriture dont elle a besoin ; bref, l'homme est debout entre le ciel et la terre et l'on ne peut le tronquer, ni dans ses pieds, ni dans sa tête, au risque de le défigurer et de le mutiler gravement. Ce n'est sans doute pas par hasard que nous nous tenons droits sur nos jambes, stature réservée à l'homme, qui ne marche pas (longtemps) à quatre pattes mais se redresse bientôt pour se tenir en équilibre. L'homme a plus de puissance que les autres créatures. S'il est petit de stature, il est grand de par l'âme. Cela lui donne une énorme responsabilité sur la manière dont il doit prendre soin du patrimoine précieux qui lui est confié. Il n'en est pas le propriétaire mais le gérant.
Santé et sainteté
Il serait superficiel d'envisager la santé sur le seul plan corporel; le corps étant mortel, cette sorte de santé serait tôt ou tard vouée à l'échec. Hildegarde nous convie donc à l'envisager aussi sur le plan de l'âme, qui est le noyau de notre existence et qui est immortelle. C'est ainsi que la santé rejoint la sainteté, qui n'est rien d'autre que la santé de l'âme. De même que le corps qui ingère de mauvaises nourritures est pollué et finit par tomber malade, de même l'âme qui se perd dans les vices sombres, dans l'avilissement et la maladie; elle ne voit plus que la terre, perd sa lumière et, coupée de Dieu, elle est emplie de tristesse et d'angoisse et vit déjà en enfer. Il n'est pas possible de vivre dans les voies justes sans disposer d'une "monture" appropriée, de même qu'un cavalier ne peut voyager loin sans un cheval vigoureux. C'est pourquoi notre sainte, si préoccupée de la santé de l'âme, nous parle, au nom du ciel, des moyens de maintenir notre corps en bon état. Bien qu'elle nous indique ses nombreux remèdes pour nous soigner, elle met à la première place la prévention, qui repose principalement sur une alimentation correcte avec des aliments purs. Ces aliments sont non seulement source de santé et de vitalité pour le corps, mais aussi source de jouvence pour l'âme qui vit alors dans la sérénité et la joie. Parmi tous les systèmes diététiques proposés sur le marché Hildegarde nous enseigne une diète originale que l'esprit de l'homme n'aurait sans doute pu découvrir, même après des siècles de recherche scientifique... En effet, rien de très rationnel dans ce qui est proposé, mais efficace et sans violence pour l'organisme.
Un défi à relever
Les références aux tables de calories et de vitamines, les poids et les mesures, n'ont aucun droit de cité dans l'univers de notre sainte. Nous nous sommes étonnés de voir qu'Hildegarde, écarte tel aliment que nous consommons régulièrement pour lui préférer tel autre, peu connu ou même ignoré de nos traditions. Il est vrai qu'elle ne nous interdit rien formellement et s'empresse de nous donner des moyens de les accommoder pour les rendre acceptables. Mais comment faire crédit à une moniale du XIIe siècle plutôt qu'aux conclusions des savants et spécialistes de notre époque? " Tout lui a été enseigné d'en haut par Celui qui sait tout", affirmait-elle.
Guérir sans meurtrir
Si l'on juge l'arbre à ses fruits, nous sommes obligés de constater les fruits de son enseignement. Sainte Hildegarde nous offre des recettes et des remèdes qui sont fiables et dépourvus de toxicité. En cela, elle se place parmi les plus grands savants, tout en nous offrant la sagesse de guérir sans meurtrir!
Au delà de la science
Cependant, sa perspective dépasse largement le cadre scientifique, car elle ne se contente pas de donner des aliments et des remèdes éprouvés ; elle nous invite à redécouvrir notre véritable richesse, notre dignité humaine, dans sa dimension trinitaire corps, esprit, âme. La nourriture qu'elle nous propose ne s'arrête pas à de seules considérations matérielles: physiques, biochimiques ou biologiques; elle nourrit les plans les plus intérieurs de notre personne, précisément là où nous touchons à l'âme, "étincelle divine". Elle affirme que l'homme est terrestre de par sa chair, céleste de par son âme.
Notre vie est une
L'affirmation est plus profonde qu'il n'y paraît: notre vie est une et ne saurait souffrir d'être morcelée ou divisée: notre corps n'est-il pas le temple de notre esprit? Non seulement il est la demeure de notre âme, mais encore son instrument; celle-ci l'habite dans une telle intimité qu'elle est la vie de sa vie! L'âme nous communique le mouvement et la vie... Elle nous nourrit et nous abreuve inté-rieurement pour la restauration de notre corps. Elle développe et affermit nos différentes fonctions corporelles, les agence, les ordonne, et remplit les viscères de sa force. Autant dire qu'il est tout à fait impossible et artificiel de séparer ce qui a été intimement uni dès la naissance. La corrélation entre l'âme et le corps est ici clairement exprimée. Si l'âme assure la vitalité de notre corps, il apparaît évident que la maladie du corps n'est pas étrangère à l'âme. Avec Hildegarde il s'agit de transmettre un message d'ouverture dans des domaines essentiels et inexplorés, afin que la médecine devienne une science de l'homme total. Dans cette optique globale, le corps cesse d'être un obstacle, mais participe pleinement à notre épanouissement; il n'est pas seulement un lourd fardeau à porter, mais le lieu même de la rencontre, de l'union divine. Voilà pourquoi notre abbesse tient notre corps en si haute estime : il n'est pas extérieur à notre vie spirituelle mais pleinement participant à notre bonheur. Comment cette symbiose entre l'âme et le corps est-elle possible? C'est que l'âme, étincelle vivante et souffle raisonnable issue de la puissance divine, pénètre par son action végétative le corps tout entier, elle l'entoure de son amour, elle l'incite à accomplir des œuvres, elle le pousse à agir avec elle... Elle descend du Ciel pour nous vivifier; elle nous fait aussi comprendre que nous sommes créatures de Dieu. Dès lors, un devoir s'impose : maintenir notre corps dans une pureté telle qu'il puisse nous servir fidèlement et, plus encore, devenir transparent à la vie divine qui jaillit au cœur de nous-mêmes ; sinon, il devient opaque et fait descendre notre âme céleste dans le marécage des désirs et des passions. Il nous faut donc purifier notre corps et ne pas le souiller par des nourritures impures. Il convient de lui procurer des aliments qui le nourrissent sans l'encrasser, qui le maintiennent non seulement dans la santé et la vigueur, mais dans la joie, dans la transparence, dans la jubilation ! Si le péché originel nous a - entre autres - amené la tristesse à cause de l'afflux de bile noire, notre Créateur nous envoie les moyens de sortir de cette pollution organique qui provoque tellement de maladies et opacifie notre conscience.
Une bonne alimentation
Les aliments qui n'apportent que de bonnes propriétés sont équilibrés, ne génèrent pas de mélancolie, mais contribuent efficacement à purifier nos humeurs et à les maintenir en état de propreté. Leur consommation habituelle procure un esprit clair, une vive intelligence, une joie toujours pétillante, enfin une transparence aux réalités célestes en réjouissant notre âme.
Les aliments de la joie
En consommant surtout les aliments et les plantes de la joie, il est possible de nous transformer, dans notre fonctionnement organique, tissulaire et cellulaire. La santé totale (corps, âme et esprit), d'un grand consommateur de charcuterie, steak-frites assaisonné de moutarde et de fromages fermentés n'aura rien à voir avec la vitalité rayonnante de ceux qui se nourrissent d'épeautre, de fenouil et de légumes conseillées par Hildegarde. Non seulement les réactions physiologiques seront très différentes, encrassant l'organisme dans le premier cas et laissant notre homme paisible dans le second. La consommation abusive de viandes et de graisses produit non seulement du mauvais cholestérol, de l'acide urique et des substances impures conduisant aux maladies chroniques graves, mais sape aussi la joie de vivre, induisant un comportement agressif ou plein de langueur, d'inertie, de tristesse...
Les pensées
Sainte Hildegarde nous explique aussi l'influence subtile de nos pensées sur notre santé: alors que des pensées pacifiées maintiennent les humeurs en équilibre, les pensées mauvaises déclenchent des viciations humorales et génèrent de la bile noire. L'âme demeure dans le cœur et laisse entrer et sortir les pensées diverses, des sucs mauvais sont suscités et les envoient jusqu'au cerveau... Par exemple, lorsque l'on a un fort sentiment de jalousie, les vaisseaux se contractent et le cerveau ainsi excité contracte les poumons qui gênent la respiration et la circulation sanguine... Quand les mauvaises humeurs ont dépassé la mesure dans les intestins et la rate elles retournent à la bile noire et se mélangent avec elle. Et, mise en mouvement par ce mélange, la bile noire monte avec les humeurs vers le cœur et le fatigue par de nombreux tourments qui se manifestent. Autrement dit, les pensées ou émotions négatives sont elle-mêmes une agression, un stress, elles ressemblent à un poison qui nous envahit, perturbe nos métabolismes et peuvent engendrer des maladies. Certains médecins ont montré la corrélation qui existe entre des conflits intérieurs (peur, angoisse...) et la naissance d'un cancer... parfois foudroyant. Il est donc nécessaire de tout faire pour empêcher les mauvaises pensées d'éclore dans notre cœur, car elles risquent d'entraîner de graves perturbations à tous les niveaux. Par contre, les pensées basées sur la foi, l'espérance, la compassion, la joie, sont une prévention solide et construisent harmonieusement et durablement les personnes.
Du physique au psychique
Au-delà d'un certain seuil d'intensité les tensions et perturbations psychiques peuvent aussi engendrer des maladies mentales. Puisque la santé est caractérisée par la joie de vivre, le manque de motivation, d'intérêt ou d'enthousiasme a sa source dans une quelconque angoisse morale ou d'ordre spirituel des forces d'en-bas traduisant un manque d'épanouissement. Pour faire face à cette perturbation sournoise, le réflexe le plus habituel consiste à se jeter dans des "excitants-calmants" qui ne sont qu'un palliatif dégradant et empêchent d'aller à la source du problème. Hildegarde ne dissocie jamais l'âme et le corps. Ils sont une image de la splendeur de Dieu, le sommet de son Œuvre, le cœur de la Création. Elle distingue l'âme céleste et le corps terrestre. Entre les deux, il existe un troisième élément, le moi, qui décide de suivre les penchants du corps ou les aspirations de l'âme. Elle nous introduit ici tout droit dans le combat spirituel, où notre liberté intervient pour choisir le temporel ou l'éternel, le fini ou l'infini, le plaisir sensible ou la félicité des profondeurs... Les forces des ténèbres nous poussent sans cesse dans le filet des attachements, alors que l'appel divin nous invite à nous élever vers la Lumière.
L'homme charnel
Notre corps est la résidence du sensible, où arrivent par les cinq sens le monde extérieur; il est le siège des sensations, du plaisir et du déplaisir, des passions, de l'instinct, des émotions (peur, fantasmes, imaginaire). C'est le lieu de l'inconscient, des besoins plus ou moins bien connus, avec ses blessures, ses frustrations... L'accumulation de bile noire nous alourdit et nous enténèbre nous plaçant sous la tyrannie des sens : ceux qui s'adonnent à des excès d'alcool, de mets lourds et toxiques, souffrent d'un éveil ou réveil de leurs passions, qui risquent de se déchaîner : violence, pulsions déréglées, cauchemars, agressivité, tristesse, tendances suicidaires, mélancolie ; c'est dans ce jardin que poussent les fleurs du mal qui exercent parfois une fascination morbide et suicidaires. La tempérance dans le boire et le manger, le jeûne régulier, permet de s'affranchir de cette emprise et de libérer l'âme de ses entraves. Comme nous l'avons vu, l'utilisation d'aliments sains, de certaines plantes et, éventuellement des pierres précieuses, favorise l'élimination de la bile noire et contribue à apaiser les passions. Sainte Hildegarde ne nous pousse pas pour autant à des mortifications exagérées tant elle est attentive à la voie du juste milieu. Elle nous encourage à un mode de vie équilibré, fondé sur une maîtrise des puissances corporelles, qui doivent s'épanouir dans le service et non se pervertir dans la tyrannie. C'est ainsi qu'une alimentation saine dans un environnement adéquat, associée avec la méditation, le chant, la marche, l'équilibre dans la satisfaction des besoins, permettent au corps de se faire oublier. Celui-ci peut ainsi assister l'âme dans son ascension vers les sommets.
La foi
La foi nous préserve de beaucoup de soucis, d'angoisses et de peurs. Grâce à l'espérance, nous affrontons l'avenir avec confiance et nous accueillons avec sérénité les événements heureux et malheureux, tout en louant Dieu pour tout ce qui arrive. Nous devons - quoiqu'il arrive - être toujours joyeux, confiants dans l'avenir et dans la miséricorde du Seigneur. Cette attitude intérieure nous évite les maladies liées à la tristesse: dépressions, insomnies, cauchemars: nous pouvons dormir du sommeil du juste. La pratique de la charité et des bonnes œuvres nous place au cœur du plan d'amour du Seigneur. En choisissant d'œuvrer pour le Royaume, nous faisons de notre corps un instrument docile aux motions de l'Esprit. Au lieu de constituer un obstacle au passage de la grâce, source d'af-flictions diverses et de maladies sclérosantes, il contribue ainsi à "parachever la gloire de Dieu."
Guérir spirituellement
Sainte Hildegarde attache beaucoup d'importance à une bonne santé spirituelle. Si épais et nombreux que soient les nuages des impressions passées, des fautes et des résistances intérieures, le soleil de la Présence divine est toujours là au plus intime de nous-mêmes, prêt à rayonner la lumière de son amour. Ainsi, les blessures profondément enfouies sont démasquées, guéries par l'Amour dont le toucher délicat cicatrise toute plaie et réconcilie l'homme avec son cœur. L'âme, par l'action de l'Esprit-Saint et la grâce maternelle de Marie, se répand à travers le corps comme le souffle des vents pénètre le firmament tout entier. Et, comme le vent pousse les nuages pour laisser place au soleil, l'âme nous pousse à aimer Dieu avec la plus grande ardeur, à pratiquer les vertus très saintes, à recevoir les paroles que le Seigneur lui donne. Notre abbesse nous prévient de l'effet pernicieux et tyrannique d'un goût excessif des choses de la chair, en langage moderne, de l'emprise des passions. Mais comment brimer ces penchants de la nature sans créer des frustrations insupportables et mutilantes? Si nous nous tournons vers les hauteurs, ce qui est plus bas cesse de nous fasciner, comme en présence du soleil la bougie perd de son éclat. Dans la Présence divine, renoncer ne signifie pas la même chose ! Ce n'est plus de renoncer aux choses temporelles qui crée une frustration, mais de s'y confiner, comme pour celui qui choisit de s'enfermer dans une pièce obscure lorsqu'un soleil éclatant brille à l'extérieur. La voie correcte consiste donc à allumer dans nos cœurs l'amour des choses divines; les objets des sens cessent alors de nous fasciner. Nous découvrons ainsi la vraie liberté.
La beauté de la création
En conclusion, Sainte Hildegarde nous amène à redécouvrir notre conformité avec le Seigneur qui nous a donné la vie. Pour cela il nous faut nous reprendre en mains, réorienter notre alimentation, même si quelques sacrifices sont nécessaires, comme de jeûner de temps en temps, réduire (ou supprimer) des temps de télévision pour le consacrer à la prière ou à l'oraison... Ainsi, nous redécouvrirons avec émerveillement une sérénité inaltérable dans les difficultés, l'harmonie et la paix avec nous-mêmes, avec notre environnement, avec Dieu. Comme des enfants, nous pourrons vivre l'éternel présent, nous réjouissant de la beauté de la création ; oui, notre amie nous invite rien moins qu'à une nouvelle naissance! Par-dessus tout, notre sainte nous replace dans le plan d'amour du Seigneur qui nous appelle toujours davantage à le rejoindre dans son Royaume. Que ce nouveau regard nous aide à considérer la création non comme un ensemble d'objets à acquérir mais comme un jardin fleuri où nous sommes invités à marcher et à chanter avec le gazouillis des sources... Dès lors, notre santé ne peut plus être un privilège isolé qui ferait injure aux malades, elle devient rayonnante, car elle prend sa source dans le jardin embaumé de la vie divine. Cette santé n'est pas arrogante, elle n'écrase personne ni ne se complaît en elle-même. Elle s'épanouit en donnant toujours davantage. Elle grandit en se dépensant. Elle est le cadeau du Ciel proposé par Dieu à sainte Hildegarde. Puissions-nous être éclairés nous aussi par cette lumière qu'elle reçut en abondance! Prions sainte Hildegarde de nous guider sur le chemin de sainteté afin que nous préparions "un petit ciel sur la terre".
L'amour de I'EgIise
Pour terminer sur la vie et l'œuvre de cette sainte hors norme, c'est l'amour de l'Eglise et le zèle pour le royaume de Dieu qui consumaient cette femme. Outre son activité considérable d'écrivain, Hildegarde développa une riche correspondance avec quatre papes, de nombreux princes de l'Eglise et des couvents. Quatre lettres à l'empereur Frédéric Barberousse nous sont restées. Vu que l'empereur ne cessait d'ériger des antipapes, causant ainsi un schisme de dix-huit ans, elle se dressa ouvertement contre lui. Avec une audace semblable à celle du pape Léon le Grand lorsqu'il tînt tête au roi des Huns, Attila, elle écrivit à l'empereur Barberousse:
"Celui-qui-est" dit: - Je détruis la résistance opiniâtre et j'écrase l'opposition de ceux qui m'affrontent. Malheur! malheur à l'agissement mauvais des criminels qui me méprisent. Ecoute cela, ô roi, si tu veux vivre, sinon mon épée te transpercera ! (Il est mort noyé...)
Ainsi, cette femme faible et malade eut la stature de Jean-Baptiste affrontant Hérode. Son engagement apostolique ne connaissait pas de limites. La chrétienté fut jetée dans le trouble par les anti-papes, et la discipline du clergé et des monastères disparut. Alors, Hildegarde ne se contînt plus. Dans son souci pour le Royaume de Dieu, elle quitta souvent sa cellule et entreprit, entre 1158 et 1171, quatre grands voyages missionnaires en Franconie, région située au nord-ouest de la Bavière, à Wùrzburg et Bamberg, puis à Cologne, à Trêves et finalement en direction de Allemagne du sud, où elle prêcha dans des monastères et sur les places des marchés, appelant le peuple et le clergé à la pénitence et à changer de vie. On peut imaginer quelle dût être la fatigue de tels voyages pour une femme ayant plus de soixante-dix ans, car les déplacements se fai-saient tantôt à cheval, tantôt à pied ou dans une embarcation. Mais Hildegarde était si remplie de Dieu qu'elle parvenait partout à bouleverser les cœurs, même des hérétiques, et à les déterminer a la conversion. En elle la parole du Christ est vérifiée : "C'est un feu que je suis venu apporter sur la Terre, et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé".
Prévention et thérapie d'Hildegarde par le jeûne
Pour Hildegarde, la santé repose sur des "humeurs douces", c'est-à-dire sur un organisme "propre". Pour prévenir les maladies, il est donc essentiel d'éliminer périodiquement les toxines, les substances crasseuses, qui encombrent les métabolismes, ralentissent les échanges, et se déposent dans les tissus ou les organes.
Le jeûne d'Hildegarde Il s'agit d'abord d'un repos digestif, qui permet à l'organisme de se débarrasser des vieilles cellules, des déchets du métabolisme, ainsi que des résidus toxiniques accumulés dans les tissus. Pas de sentiments de faim ou de manque. Sans risque de carences et sans désagréments.Le jeûne d'Hildegarde, tout en étant peut-être aussi efficace que le jeûne intégral aménage un programme alimentaire réduit, qui nourrit sans encrasser et qui de surcroît possède une grande valeur désintoxiquante et revitalisante. A base d'épeautre et de légumes, assaisonnés avec des épices (le serpolet, l'anthémis et le galanga) pour le midi, alors que, matin et soir et dans la journée, on boit à volonté des tisanes et des jus de fruits ou de légumes. Il est possible de varier les légumes ; seule demeure la base d'épeautre, qui utilise toutes les vertus cachées de cette céréale pour reconstituer la chair et le sang, nettoyer le métabolisme et combler en même temps les carences. Au matin suivant, on peut favoriser l'élimination intestinale en prenant six "pilules purgatives" d'Hildegarde, qui éliminent les substances crasseuses sans chasser les minéraux ou les oligo-éléments, comme le font les laxatifs courants. On peut aussi consommer quelques "biscuits laxatifs au gingembre", qui permettent une élimination douce. Une marche au grand air facilite les processus d'élimination. La durée de la diète: de quelques jours à plusieurs semaines.
Une œuvre immense
Admirable est Dieu dans ses saints et étrange est le monde dans ses jugements. Aux environs de 1155, Dieu révéla à son humble abbesse une médecine à la portée de tout le monde. Pourtant, jusqu'à nos jours (1950) écrit le Dr allemand Gottfried Hertzka dans son livre " …voilà comment Dieu guérit", personne n'en avait pris sérieusement connaissance, hormis l'auteur de ce livre (et le Dr Strehlow). Mais ce qui l'étonne le plus c'est que Dieu ait donné à l'humanité un traité complet de médecine par l'entremise d'une simple créature: sainte Hildegarde. En outre, ainsi que lui ont appris ses trente années d'activité comme médecin praticien et ses quarante années d'étude des livres d'Hildegarde, les preuves sont écrasantes aux yeux d'un homme de bonne volonté. De Hildegarde de Bingen, il convient de retenir - d'après lui - qu'elle fut la plus singulière de toutes celles qu'on appelle "les mystiques".